Curatelle, tutelle : quelles conséquences sur la gestion des biens ?

Préparer l’avenir de son enfant handicapé implique, au-delà de l’organisation de son projet de vie et des aspects patrimoniaux, de s’interroger sur son degré d’autonomie. Mon enfant pourra-t-il gérer ses biens et réaliser les actes de la vie civile seul ? Devra-t-il être représenté, assisté, contrôlé ?

Tant qu’il est mineur, un enfant est placé sous l’autorité de ses parents.
Mais après 18 ans, il a une capacité juridique et dispose donc de l’exercice total de ses droits dans les actes de la vie civile ; les parents ne peuvent plus juridiquement intervenir à sa place.
Or certains majeurs ne peuvent pas accomplir seuls des actes, exercer des droits personnels, prendre des décisions sur leur santé, ou encore gérer leur patrimoine, compte tenu de l’altération de leurs facultés.
Dans ce cas, une mesure de protection doit être envisagée.

Après un examen de la requête et des auditions, le juge décide du régime le mieux adapté à la personne.
Trois régimes de protection existent:

– la sauvegarde de justice,
– la curatelle
– et la tutelle.

La mesure de protection est plus ou moins souple selon le degré d’incapacité du majeur. Les règles propres à chaque mesure peuvent par ailleurs être renforcées ou allégées selon les circonstances.
 
 

Qui peut être désigné curateur ou tuteur ?

Le juge cherche à désigner comme curateur ou tuteur en priorité le conjoint, les parents ou proches de la personne. Si aucun d’entre eux ne peut assumer la curatelle ou tutelle, il désigne un « mandataire judiciaire à la protection des majeurs ».

Depuis la loi du 5 mars 2007, les parents peuvent désigner par avance qui sera le tuteur ou curateur
de leur enfant lorsqu’ils ne pourront plus remplir ce rôle. Un subrogé tuteur ou curateur peut également être nommé pour représenter l’enfant en cas de conflit d’intérêt ou pour surveiller les actes du tuteur ou curateur.
Le juge peut enfin nommer un conseil de famille, qui désigne lui-même le tuteur, le subrogé tuteur et le cas échéant le tuteur ad hoc.
 
 

Comment fonctionnent les mesures de curatelle et de tutelle ?

La curatelle

La curatelle est destinée à protéger une personne qui a besoin d’être assistée et conseillée dans les actes de la vie civile.
La personne protégée conserve ses droits, qu’elle exerce seule ou avec l’assistance du curateur.
Elle accomplit seule les actes de gestion courante (dits actes d’administration ou actes conservatoires), comme les achats courants ou la souscription d’une police d’assurance, et prend seule les décisions relatives à sa personne si elle le peut. Elle choisit son lieu de résidence et conserve le droit de vote.En revanche, elle doit être assistée de son curateur pour des actes plus importants (dits actes de disposition), comme la vente d’un appartement ou la souscription d’un contrat d’assurance vie. Elle doit obtenir l’autorisation du curateur, ou à défaut celle du juge, pour se marier.

Le juge peut moduler l’étendue de la mesure soit en renforçant la curatelle, soit en l’allégeant. Avec une curatelle renforcée, le curateur perçoit seul les revenus de la personne protégée sur un compte ouvert à son nom. Il assure lui-même le règlement des dépenses et dépose l’excèdent sur un compte laissé à la disposition de la personne protégée.
Le curateur est tenu de rendre compte de l’exécution de son mandat à la personne protégée et au juge. En cas de curatelle renforcée, il doit remettre chaque année au greffier en chef du tribunal d’instance un compte rendu de sa gestion.
 

La tutelle

La tutelle s’adresse à une personne majeure qui doit être représentée de façon continue dans les actes de la vie civile. Le majeur perd l’exercice de la plupart de ses droits. Le tuteur agit en son nom et pour son compte ; il doit assurer tant la protection de la personne que de ses biens. Le tuteur doit défendre les intérêts patrimoniaux du majeur protégé, avec une gestion « prudente, diligente et avisée », ce qui signifie une gestion sans risque, attentive, prévoyante, et documentée de toutes les informations nécessaires. Il doit chaque année rendre un compte de gestion annuel.

Le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et d’administration, mais il doit demander l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles pour les actes d’administration.

Le majeur conserve quelques prérogatives d’ordre très personnel, comme la déclaration de naissance ou la reconnaissance d’un enfant, le consentement donné à sa propre adoption ou celle d’un enfant. Il peut faire seul son testament avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille, et peut faire des donations en étant assisté ou représenté par le tuteur, avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille.
 
 

Quels sont les actes conservatoires, d’administration et de dispositions ?

Le degré d’autonomie de la personne protégée et l’intervention de son représentant dépendent donc du régime de protection mais aussi de la nature des actes réalisés : actes conservatoires, d’administration et de disposition.
Les actes conservatoires sont des actes qui permettent de maintenir le patrimoine en l’état et de conserver les biens : réparation d’un bien, paiement des charges d’un logement par exemple.
Les actes d’administration sont les actes de gestion courante et de mise en valeur du patrimoine du majeur vulnérable, dénués de risque anormal.
 
Ce sont par exemple :

• les travaux d’aménagement, d’amélioration utile et d’entretien des logements de la personne protégée
• l’emploi des sommes d’argent qui ne sont ni des capitaux ni des excédents de revenus
• la conclusion ou renouvellement d’un bail d’habitation en tant que bailleur
• la perception de revenus
• la conclusion ou renouvellement d’un contrat d’assurance de responsabilité civile ou aux biens.
• l’exercice du droit de vote en assemblée.
 
Les actes de disposition engagent et modifient le patrimoine de la personne protégée de manière durable et substantielle. Sont notamment considérés comme actes de disposition :

• la vente du logement ou de la résidence secondaire
• les grosses réparations d’un immeuble,
• l’ouverture ou la modification de comptes ou livrets,
• le prélèvement sur le capital, à l’exclusion du paiement des dettes
• l’emprunt de sommes d’argent.

Certains actes portant sur le patrimoine du majeur sont soumis à autorisation, quel que soit le régime de protection de la personne :

• L’aliénation, la résiliation ou la conclusion d’un bail portant sur la résidence principale ou secondaire
• L’ouverture ou la modification de comptes ou livrets ouverts au nom du majeur ou leur modification
 

Le mandat de protection future

Depuis 2007, le mandat de protection future peut constituer une alternative aux mesures de protection.
Il permet à une personne de désigner à l’avance un mandataire qui se chargera de gérer ses biens
et sa personne le jour où elle ne pourra plus pourvoir seule à ses intérêts.

Le mandataire peut être une personne qui ne fait pas partie du cadre familial ou une personne morale.
Le mandat de protection future pour autrui permet quant à lui à des parents d’enfant
en situation de handicap de prévoir qui s’occupera de leur enfant quand ils ne pourront plus le faire.

 
Le mandat de protection future peut être rédigé sous seing privé ou par acte notarié.
Dans le premier cas, le mandataire ne peut s’occuper que des affaires courantes (les actes conservatoires et d’administration).
Il doit saisir le juge des tutelles pour les actes soumis à autorisation ou non prévus par le mandat et qui seraient nécessaires dans l’intérêt du mandant.

Dans le cas d’un mandat de protection future notarié, le mandataire peut faire des actes de disposition.
L’autorisation du juge ne sera nécessaire que pour les actes à titre gratuit (donations).
Le mandat de protection future pour autrui quant à lui ne peut être réalisé que sous forme notariée.

Le mandat permet de détailler toutes les volontés points par points, avec une organisation précise de la gestion.
Le mandataire doit exécuter sa mission conformément à ce qui est écrit dans le mandat et dans le respect du code civil. Il doit établir un inventaire des biens du mandant et assurer son actualisation.
Il rend compte chaque année à la ou les personnes chargées de contrôler cette mission.
Le notaire, qui contrôle les comptes dans le cadre d’un mandat notarié, saisit le juge des tutelles de tout mouvement de fonds ou acte non justifié ou non conforme.
S’il y a abus ou difficultés, le juge peut intervenir et révoquer le mandataire, voire prononcer l’ouverture d’une mesure plus adaptée.

Le mandat de protection future peut donc constituer une alternative à une mesure de protection juridique.

Les mesures de protection juridiques, bien que contraignantes, permettent de protéger tant la personne majeure que son patrimoine et du patrimoine familial. Mais pour assurer son bon fonctionnement, il nous semble important d’aborder par avance ce sujet en famille, afin que le rôle du tuteur ou curateur soit bien accepté et que les responsabilités soient éventuellement réparties.

Le mandat de protection future est quant à lui un moyen utile d’organiser l’avenir, même s’il comporte encore quelques écueils, tels que l’absence de protection juridique et l’absence de publicité. Mais il est probable que ces imperfections fassent l’objet d’amélioration au fur et à mesure de la pratique et des expériences.

Par Camille de Soras, conseillère en gestion de patrimoine et courtier en assurances spécialisée dans le handicap (ABC Vie).

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