Locataire handicapé : quels sont vos droits ?
Dans quels cas un locataire en situation de handicap peut-il être expulsé ? La situation de handicap soulève des considérations éthiques et demande une vigilance particulière sur le plan humain. Protections spécifiques, recours possibles dans le cadre d’une menace d’expulsion, découvrez les différents aspects de cette situation délicate.
La protection des locataires en situation de handicap
encadrée par la législation
La protection des locataires en situation de handicap a été renforcée par plusieurs lois au cours du temps, pour garantir un accès au logement équitable et éviter une expulsion injuste. Les lois nationales ainsi qu’un traité international se succèdent pour prévenir toute discrimination et reconnaitre les droits des locataires en situation de handicap à un logement adapté.
La législation française s’appuie principalement sur la loi « Hoguet » du 6 juillet 1989, régissant les relations entre bailleurs et locataires. Elle stipule qu’«aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire défini à l’article 225-1 du Code pénal » Seuls des motifs légitimes, tels que le non-paiement des loyers ou la violation du bail peuvent conduire à l’expulsion du locataire en situation de handicap.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances interdit toute discrimination à l’accès au logement en raison d’un handicap et prévoit l’obligation pour les propriétaires à effectuer les adaptations nécessaires, dans la mesure du possible.
Plus récente, la loi « Elan » du 23 novembre 2018 stipule qu’en cas d’expulsion, le propriétaire est tenu de proposer un relogement au locataire en situation de handicap.
La Convention des Etats Unis, ratifiée en 2010 par la France, apporte une protection supplémentaire en interdisant toute discrimination et en reconnaissant le droit à un logement adapté aux besoins de la personne en situation de handicap.
Les limites de la protection :
dans quels cas une expulsion est-elle possible légalement ?
La protection des locataires handicapés ne les dispense pas de respecter certaines obligations.
Selon la loi, le bailleur peut ainsi donner congé au locataire, en justifiant d’un « motif légitime et sérieux ».
C’est le cas dans les situations suivantes :
– Retards de paiement cumulés ou non-paiement des loyers, alors que le locataire n’a rien entrepris pour régulariser ;
– Non-respect des règles de copropriété ou troubles du voisinage
– Violation du contrat de bail : refus de souscrire une assurance habitation ou de fournir une attestation couvrant les risques locatifs.
Le locataire a refusé toutes les aides proposées en termes de médiation, de relogement ou d’accompagnement social.
Les obligations contractuelles s’imposent à tous les locataires, y compris aux locataires handicapés bénéficiant d’une protection. En cas de manquement à ces obligations, le bailleur peut entamer une procédure d’expulsion, tout en respectant des conditions strictes, compte tenu de la situation particulière du locataire en situation de handicap.
Un allongement du délai de préavis est prévu par la loi, pour favoriser le dialogue et la conciliation entre le bailleur et le locataire. En cas d’échec de la conciliation, le tribunal compétent devra examiner le bien-fondé de la demande d’expulsion.
Le juge chargé de statuer sur l’expulsion devra tenir compte de la situation personnelle du locataire, notamment s’il est dans une situation de grande vulnérabilité.
Il peut proposer des alternatives à l’expulsion telles que :
– Des délais de paiement pour apurer la dette ;
– Refuser l’expulsion pour des raisons de dignité ou de santé du locataire ;
– Proposer un accompagnement personnalisé pour trouver des solutions de relogement.
Dans certains cas, il peut proposer un sursis à l’expulsion en raison de certains critères tels que la gravité du handicap, l’impossibilité de relogement équivalent adapté aux besoins ou encore les impacts psychologiques et physiques de l’expulsion.
L’objectif est d’éviter une expulsion brutale, qui accroitrait davantage la vulnérabilité du locataire handicapé.
Expulsion d’un locataire handicapé : un dilemme éthique
L’expulsion d’un locataire en situation de handicap soulève des considérations éthiques particulières. Souvent confronté à des problèmes supplémentaires pour avoir accès à un logement, cette situation peut encore accroitre sa vulnérabilité.
L’expulsion d’un locataire handicapé apparait comme une violation des principes fondamentaux du droit français : la non-discrimination, le respect de la dignité et le souci d’équité.
Ainsi, tout locataire, indépendamment de son handicap, de son origine, de sa religion ou de son sexe, a droit à l’accès à un logement salubre et abordable. Lui refuser un logement, compte tenu de son handicap, serait discriminatoire et illégal.
D’autre part, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen érige le principe du respect de la dignité, quels que soient les différences entre êtres humains.
Ainsi un locataire en situation de handicap, ayant des difficultés à payer son loyer en raison de son incapacité à travailler, est en droit d’être traité avec respect. Une expulsion pourrait être vécue comme une humiliation et pourrait le plonger dans une situation de grande précarité.
Enfin, en vertu du principe d’équité, le locataire handicapé doit avoir les mêmes chances de trouver et de conserver un logement que les autres locataires.
Faire face à une expulsion et avoir des difficultés à retrouver un logement adapté à ses besoins fait partie des considérations éthiques dont il faut tenir compte.
Un autre cas de figure mérite l’attention : lorsque qu’un locataire handicapé déjà en difficulté en raison de harcèlement ou de violence doit faire face à une menace d’expulsion, qui lui ferait courir un risque encore plus grand.
Les protections spécifiques pour un locataire handicapé
Aucune protection n’existe dans le cas des différentes causes d’expulsion : impayés, défaut d’assurance, violation du contrat de bail, troubles du voisinage.
Seul le congé locatif pour reprise, vente ou autre motif légitime et sérieux permet au locataire de bénéficier d’une protection spécifique sous certaines conditions.
Le statut de locataire protégé s’adresse aux locataires d’une résidence principale, âgés de 65 ans et plus et dont les revenus sont inférieurs aux seuils fixés pour l’attribution de logements locatifs conventionnés.
Cette protection évite que les locataires âgés ne se retrouvent sans logement, si le propriétaire décide de mettre fin au bail. La situation de handicap ne dispense pas de respecter les conditions d’âge et de revenus. En 2024, le seuil de revenus pour une personne seule était de 26 044 euros à Paris et de 22 642 euros hors Ile de France.
Le locataire handicapé peut prétendre au maintien dans les lieux s’il respecte le plafond fixé annuellement et les conditions d’âge. Néanmoins, selon la loi du 6 juillet 1989, le handicap seul peut justifier un maintien dans les lieux si le locataire bénéficie d’une allocation de présence parentale pour s’occuper d’un enfant malade, porteur de handicap ou victime d’un accident grave.
Selon la loi du 6 juillet 1989, le bailleur ne peut donc pas donner congé pour reprendre ou vendre son bien sans l’accord du locataire. Il a l’obligation de proposer une solution de relogement, respectant les critères géographiques et les besoins du locataire.
Deux motifs dérogatoires existent, autorisant le bailleur à donner congé au locataire :
– Le bailleur est âgé de plus de 65 ans
– Ses ressources sont inférieures aux plafonds légaux pour l’attribution de logements sociaux.
Un de ces critères autorise le bailleur à résilier le bail en le dispensant de proposer une solution de relogement. Néanmoins, si le locataire a un enfant handicapé à charge et dispose d’une autorisation de présence parentale, il bénéficie du maintien dans les lieux, sans que le bailleur puisse invoquer ces motifs dérogatoires.
Les différents recours possibles
Plutôt que d’initier une procédure longue et coûteuse, il est dans l’intérêt des deux parties (bailleur et locataire) de trouver des solutions alternatives satisfaisantes :
– La médiation pour trouver une solution équilibrée.
– Le recours à des associations de défense des droits des locataires ou aux services sociaux permet de bénéficier de conseils juridiques. Les organismes de logement social peuvent proposer des logements adaptés aux besoins de la personne en situation de handicap.
– Des recours financiers.
Des dispositifs d’aides existent pouvant contribuer au financement des loyers.
Le locataire en situation de handicap peut ainsi prétendre à obtenir :
– Le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ;
– L’Aide personnalisée au logement (APL) ;
– L’Allocation Adulte Handicapé (AAH).
Des accompagnements par la Maison départementale des adultes handicapés (MDPH) ou des services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) sont également possibles.
Le droit au logement opposable (DALO)
Les personnes en situation de handicap sont prioritaires pour l’attribution d’un logement social.
En cas d’expulsion, elles peuvent faire valoir leurs droits en saisissant le Commission de médiation du caractère urgent de la demande. La recherche d’un logement adapté peut alors retarder l’expulsion.
N’hésitez-pas à consulter notre article : Dalo : Faites valoir votre droit à un logement ! sur notre site.
Sabine BERTOCHE,
Rédactrice bénévole FMH