RQTH et retraite : comprendre vos droits
Que vous soyez reconnu Travailleur Handicapé (RQTH) ou que vous perceviez l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH), des droits spécifiques s’ouvrent à vous. Nous vous éclairons sur ces mécanismes, afin que vous puissiez aborder cette transition sereinement et en pleine connaissance de cause.
Partir plus tôt : quelles sont
les conditions générales ?
Si vous êtes en situation de handicap, la loi vous permet de prendre votre retraite avant l’âge légal ordinaire. Cet âge de départ anticipé peut varier entre 55 et 59 ans.
Il est déterminé en fonction de votre année de naissance et du nombre de trimestres que vous avez cotisés pendant vos périodes de handicap reconnu.
Le critère le plus déterminant est le taux d’incapacité d’au moins 50 %.
C’est la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) qui évalue et fixe ce taux.
Cette reconnaissance est indispensable pour accéder à ce dispositif.
La RQTH : son rôle dans votre parcours vers la retraite
La Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) est une démarche administrative qui atteste de votre aptitude à travailler avec un handicap.
Son rôle dans l’accès à la retraite anticipée a évolué :
– Avant le 1er janvier 2016: La RQTH était le principal justificatif pour bénéficier d’une retraite anticipée. Cela concernait principalement les 39% de personnes en situation de handicap ayant une activité professionnelle ou reconnues comme étant en recherche d’emploi. Cette restriction tendait à exclure les 61% restants.
– Depuis le 1er janvier 2016 : Un taux d’incapacité d’au moins 50 % est devenu la condition prépondérante.
La RQTH peut toujours servir de preuve pour attester de ce taux, mais elle n’est plus l’unique critère.
Il est donc particulièrement important de conserver toutes vos notifications de RQTH, en particulier celles concernant les périodes antérieures à 2016.
L’AAH :
un levier pour vos droits à la retraite
L’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) est une aide financière indispensable pour de nombreuses personnes.
La décision de la MDPH vous accordant l’AAH constitue une preuve formelle de votre taux d’incapacité.
Elle est donc très importante pour votre dossier de retraite anticipée, même si vous n’avez pas de RQTH.
Concernant le cumul de l’AAH avec votre pension de retraite :
– Si votre taux d’incapacité est d’au moins 80 % : Vous pouvez cumuler votre pension de retraite et l’AAH.
Toutefois, pour cela, le montant de votre pension doit être inférieur à celui de l’AAH (1 033,32 € par mois en 2025). L’AAH vient alors compléter votre pension, à titre différentiel.
– Si votre taux d’incapacité est compris entre 50 % et 79 % : Le versement de l’AAH cesse lorsque vous atteignez l’âge légal de la retraite (entre 62 et 64 ans selon votre génération).
Elle peut alors être remplacée par l’Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées (ASPA), si vos ressources le justifient. Attention, l’ASPA a ses propres règles : elle prend en compte les revenus du couple et est récupérable sur la succession sous certaines conditions.
Un arrêté d’avril 2025 a apporté une précision importante : si la MDPH vous refuse une prestation mais reconnaît un taux d’incapacité de 50 %, cette reconnaissance de taux n’est valable qu’un an pour justifier vos droits à la retraite. Soyez donc particulièrement vigilant sur la validité de vos justificatifs.
Calcul de votre pension de retraite anticipée : explications et exemples
Lorsque vous partez en retraite anticipée pour handicap, votre pension est calculée à taux plein, c’est-à-dire au taux maximum de 50 % du salaire annuel moyen.
Ce taux plein vous est accordé même si vous n’avez pas atteint le nombre total de trimestres requis pour votre génération.
Cependant, le montant de votre pension dépendra de plusieurs éléments :
1- Le Salaire Annuel Moyen (SAM) : Il est calculé sur la base de vos 25 meilleures années de salaire (si vous les avez).
2- Votre durée d’assurance réelle : Le montant de la pension est proportionnel au nombre de trimestres que vous avez effectivement validés par rapport au nombre de trimestres requis pour une pension complète pour votre génération.
Une majoration spécifique pour carrière incomplète:
Si votre carrière a été affectée par le handicap et que vous n’avez pas tous vos trimestres, une majoration est appliquée pour augmenter le montant de votre pension. L’objectif est de compenser les périodes où le handicap a pu limiter votre activité.
La formule de cette majoration est la suivante :
(Pension calculée / 3)
x
(Nombre de trimestres cotisés en état de handicap / Nombre total de trimestres d’assurance au régime général)
Cette majoration s’ajoute à votre pension de base, mais le total ne peut pas dépasser le montant que vous auriez eu avec une carrière complète.
Exemple simplifié : Imaginons une personne née en 1970, partant à la retraite anticipée à 55 ans en 2025
– Elle doit justifier d’au moins 111 trimestres cotisés pendant sa période de handicap.
– Son salaire annuel moyen est de 25 000 €.
– Sa pension de base (avant majoration) serait calculée au taux plein de 50 %, mais proratisée selon ses trimestres validés.
– Si elle a validé 120 trimestres au lieu des 168 requis pour sa génération, sa pension de base serait d’environ : (25 000 € x 50 % x 120/168) = 8 928 € par an (soit environ 744 € par mois).
– Si, parmi ces 120 trimestres, 100 ont été cotisés en situation de handicap, la majoration pourrait être (approximativement, car le calcul est complexe) : (8928 € / 3) x (100 / 120) = 2 480 € par an.
– Sa pension majorée serait alors d’environ 8 928 € + 2 480 € = 11 408 € par an (soit environ 950 € par mois), sans pouvoir dépasser ce qu’elle aurait eu avec 168 trimestres.
Attention : Ces calculs sont complexes et dépendent de nombreux facteurs individuels. Il est impératif de vous rapprocher de votre caisse de retraite pour une estimation personnalisée.
Justificatifs : les papiers essentiels pour votre dossier
Pour constituer votre dossier de retraite anticipée, la preuve de votre handicap et de sa durée est primordiale.
Conservez soigneusement :
– Les décisions de la MDPH : notifications d’attribution de l’AAH, de la Reconnaissance RQTH, de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH), ou de la Carte Mobilité Inclusion (CMI) avec la mention “invalidité”. Ces documents doivent indiquer votre taux d’incapacité.
– Les notifications de pension d’invalidité (de 2ème ou 3ème catégorie).
– Les notifications de rente d’accident du travail (AT) ou de maladie professionnelle (MP) si elles indiquent un taux d’incapacité d’au moins 50 %.
L’arrêté du 24 juillet 2015 (modifié par celui d’avril 2025) liste l’ensemble des pièces justificatives acceptées.
Démarches à suivre :un accompagnement pas à pas
Anticiper est le maître-mot pour une transition réussie vers la retraite.
Voici les principales étapes :
1- Contactez votre caisse de retraite principale :
– Quand ? Idéalement, 1 à 2 ans avant la date à laquelle vous envisagez de partir.
– Qui ? Il s’agit de la caisse de votre dernier régime d’affiliation (CNAV pour les salariés du privé, MSA pour les agriculteurs, SRE pour les fonctionnaires d’État, CNRACL pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers). Si vous avez relevé de plusieurs régimes, la demande est généralement unique.
– Comment ? Par téléphone, courrier, ou via votre espace personnel sur le site internet de votre caisse.
2- Demandez une “attestation de départ en retraite anticipée des assurés handicapés” :
– Ce document officiel confirmera si vous remplissez les conditions d’âge, de trimestres cotisés en situation de handicap, et de taux d’incapacité.
– Votre caisse vous indiquera les justificatifs précis à fournir (relatifs à votre handicap et à votre carrière).
3- Rassemblez et fournissez vos justificatifs :
Soyez méticuleux et complet. C’est une étape essentielle.
4- En cas de justificatifs manquants pour certaines périodes de handicap :
– Sachez qu’une reconnaissance rétroactive de ces périodes est parfois possible. Une commission spécifique au sein de la CNAV peut examiner votre situation si des preuves manquent pour au maximum 30% de la durée de handicap requise, à condition que votre taux d’incapacité des périodes reconnue ssoit d’au moins 50%.
5- Une fois l’attestation d’éligibilité reçue :
– Vous pourrez déposer votre demande officielle de retraite. Faites-le environ 4 à 6 mois avant la date de départ souhaitée pour éviter toute rupture de revenus.
6- Faites-vous accompagner :
– Les démarches peuvent sembler complexes. N’hésitez pas à solliciter l’aide de conseillers spécialisés au sein de votre caisse de retraite.
– La Fédération des Malades et Handicapés (FMH) est également là pour vous informer et vous soutenir dans vos démarches.
La RQTH et l’AAH sont des éléments importants, mais les conditions précises (taux d’incapacité, trimestres cotisés, justificatifs) doivent être bien comprises.
En vous informant rigoureusement, en anticipant vos démarches et en conservant précieusement tous vos documents, vous mettrez toutes les chances de votre côté. Les services de votre caisse de retraite et les associations spécialisées sont des alliés précieux pour vous guider vers une retraite préparée et vécue le plus sereinement possible.
Cyril RABIN,
Rédacteur bénévole FMH.